Marianne 2 a publié cette semaine une interview en trois parties (un, deux et trois) de Valérie Niquet sur la Chine visant à relativiser la puissance de l’Empire du milieu au moment même où il vient de détrôner le Japon du rang de deuxième puissance économique de la planète.
Une mise en perspective intéressante
Cette interview est rafraîchissante dans la mesure où elle modère les nouvelles habituellement exposées par les médias. Certes, la Chine vient de prendre la 2ème place en matière de PIB, mais elle n’est encore que 98ème au monde pour le PIB par habitant. En outre, son succès est à relativiser par la pauvreté d’une grande partie de sa population, qui consomme toujours aussi peu (35% du PIB contre 60% dans les pays occidentaux). En outre, son poids diplomatique est à modérer par sa rivalité profonde avec l’Inde ou le Japon, ce qui n’en fait pas le leader de l’Asie.
En outre, le pays reste tout de même sensible à la conjoncture internationale. Le pays n’est-il pas trop dépendant d’hydrocarbures polluants dont le prix pourrait exploser dans les prochaines années ? Que se passerait-il si dans quelques années, les multinationales décidaient de délocaliser en Inde plutôt que dans l’Empire du milieu ? Quelles seront les conséquences de la politique de l’enfant unique et du déséquilibre démographique ? Enfin, même si la société Chinoise s’est libéralisée depuis une trentaine d’années, le pays n’est pas une démocratie. La transition pourrait être difficile.
La poursuite du grand bond en avant
Mais malgré les points très justes de Valérie Niquet, il faut reconnaître que la puissance d’un pays se mesure aussi à sa démographie et à son poids, indépendant de la richesse par personne. Le Luxembourg ne pèse pas grand-chose sur la scène internationale… Et aujourd’hui, la Chine est donc la 2ème puissance économique de la planète selon le PIB. Et encore, on pourrait argumenter que cela sous-estime la puissance réelle du pays, devenu le premier exportateur mondial ou le premier pays pour les réserves de change (plus de 2000 milliards de dollars).
En outre, la Chine dispose d’atouts forts pour poursuivre sa trajectoire. Son rattrapage est directement inspiré de ceux du Japon ou de la Corée du Sud et on peut donc en déduire qu’il y a de fortes chances que la croissance de la Chine reste forte dans les années à venir. Le pays pourrait de plus en plus utiliser son moteur interne pour croître, comme le montre le fort relèvement du salaire minimum. Bref, le scénario d’une forte croissance pour les deux ou trois décennies à venir amenant la Chine au premier rang économique mondial est tout sauf improbable.
Quelles conséquences pour le monde ?
Un scénario noir serait que le grand bond en avant engendre des tensions nationalistes potentiellement guerrières, notamment vis-à-vis de Taïwan. Ce scénario ne peut pas être balayé d’un revers de main, même si le précédent Japonais montre que l’ascension économique peut être pacifique, y compris pour un pays au passé belliqueux. En effet, on peut se demander comment le géant Chinois se comporterait en cas de pénurie sévère de matières premières…
Le rôle de la Chine sera également particulièrement intéressant pour la refondation du capitalisme. Et si l’Empire du milieu rejoignait l’Europe continentale et le Japon pour pousser un modèle de capitalisme plus souverain, solidaire et dirigiste alors que l’Inde pourrait soutenir le capitalisme plus sauvage promu par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ? La prochaine crise du capitalisme mondial sera peut-être l’occasion d’un tel rapprochement après les échecs du G20.
Bien sûr, la poursuite de la croissance de ce géant ne sera pas sans poser des problèmes, mais le poids de Pékin, déjà considérable dans l’économie mondiale, a toutes les chances de se renforcer fortement dans les années à venir. Et cela pourrait être une opportunité.
Laurent Pinsolle
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